Élargir la définition du terme « entrepreneur » pour renforcer l’autonomie d’un nombre accru de femmes et de filles au Canada
Les femmes entrepreneures peuvent aider à stimuler la reprise post-COVID-19 au Canada et à reconstruire le pays, en mieux. Toutefois, les récentes recherches menées par le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat (PCFE) montrent que les femmes entrepreneures se heurtent à des obstacles structurels importants qui rendent difficile leur accès aux financements, aux réseaux et aux possibilités d’affaires. En outre, de plus en plus de données indiquent que la pandémie de COVID-19 a amplifié ces obstacles, en particulier pour les personnes noires, les peuples autochtones et les autres personnes de couleur.
« L’état des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada » dresse la synthèse des recherches menées par le gouvernement, le milieu universitaire et les experts afin de mieux comprendre les défis auxquels les femmes entrepreneures sont confrontées au Canada ainsi que les possibilités de renforcement de l’entrepreneuriat féminin. La directrice du PCFE, Wendy Cukier, a présenté ce rapport à l’occasion du webinaire sur l’importance de l’entrepreneuriat féminin pour la reprise économique, « She Leads; Canada Prospers: The Importance of Women’s Entrepreneurship for Economic Recovery » (en anglais uniquement), organisé par la Chambre de commerce de l’Ontario et Michelle Eaton, vice-présidente des Affaires publiques auprès de l’OCC.
Rachel Bendayan, secrétaire parlementaire de la ministre de la Petite Entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international, a ouvert le débat en mettant en avant les programmes offerts aux femmes entrepreneures et en insistant sur l’importance cruciale d’associer les femmes à la relance du Canada après la pandémie de COVID-19. « Nous savons que l’activité économique ne pourra pas véritablement reprendre sans la participation des femmes… Les femmes font partie intégrante de la relance de notre économie. La diversité et les talents que nous apportons autour de la table sont des composantes extrêmement importantes de l’équation », a souligné la députée Mme Bendayan.
Un grand nombre de femmes peuvent contribuer à la reconstruction du pays par l’entrepreneuriat. Toutefois, « Votre façon de définir « l’entrepreneur » a un impact considérable sur les femmes », a fait remarquer Wendy Cukier. Alors qu’au Canada, 15,6 p. 100 des PME appartiennent majoritairement à des femmes (soit 114 000 femmes), 37,6 p. 100 des travailleurs autonomes canadiens, soit 1 079 000 personnes, étaient des femmes en 2019. Mme Cukier a ajouté qu’il était absolument essentiel d’adopter une vision plus large de l’entrepreneur afin d’inclure les femmes travaillant à leur compte lorsque nous réfléchissons à la manière de stimuler l’entrepreneuriat au Canada.
Diverses conceptions culturelles de l’entrepreneuriat peuvent également empêcher certaines femmes et certaines filles de l’envisager en tant que solution viable. De nombreuses personnes associent le terme « entrepreneur » à des hommes blancs tels que Mark Zuckerberg, Bill Gates et Elon Musk, et elles n’ont pas conscience des contributions des femmes entrepreneures au Canada. L’accent mis sur les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) dans les discussions relatives à l’entrepreneuriat peuvent aussi aliéner les femmes et les filles dotées de talents différents et entraver les possibilités de croissance et d’innovation dans d’autres secteurs.
« Nous devons réellement remettre en question certaines des hypothèses relatives à ce qu’est un entrepreneur, à ce qu’il fait et à ce à quoi ressemble son quotidien », a soutenu Mme Cukier.
Ces hypothèses et ces définitions ont des répercussions évidentes sur les femmes entrepreneures au Canada. Wendy Cukier a notamment fait remarquer que les hommes avaient quatre fois plus de chances que les femmes de recevoir un fonds de capital-risque ou un investissement providentiel. En raison d’une absence de pédagogie adaptée aux femmes et de lacunes en matière de connaissances financières, les femmes sont également moins enclines que les hommes à rechercher un financement.
Être une femme entrepreneure au Canada
Certaines femmes d’affaires doivent relever des défis supplémentaires pour créer leur entreprise et assurer sa viabilité en raison de la discrimination systémique et des préjugés sexistes dont elles font l’objet dans nos institutions, notre culture et nos vies quotidiennes. « Ce n’est pas une impression. Les preuves sont manifestes. La discrimination systémique envers les femmes, le racisme systémique, toutes ces choses sont bien réelles. Nous devons donc trouver une solution systémique à ces problèmes », a souligné Mme Cukier.
Katie Zeppieri, fondatrice et directrice générale du Bureau des conférenciers de GIRL TALK, a animé une discussion intéressante avec Nadine Spencer, PDG du groupe BrandEQ, Nicole Verkindt, fondatrice d’OMX, et Tabatha Bull, présidente et chef de la direction du Conseil canadien pour le commerce autochtone, sur ce que signifie « être une femme entrepreneure au Canada ».
Les panélistes ont mis en avant les différentes formes de racisme et de préjugés qui rendent la réussite en affaires indûment difficile pour certaines femmes entrepreneures. « Lorsque vous me voyez entrer dans une pièce, vous voyez avant tout une personne noire. Contrairement aux autres milieux d’affaires et professionnels, notre ascension est difficile à tous les niveaux en raison de la couleur de notre peau. De nombreuses années, voire des décennies de discrimination au travail ont constitué un frein permanent au progrès, à l’équité et à l’efficacité pour les femmes entrepreneures noires dans notre société », a expliqué Mme Spencer.
Quant aux femmes entrepreneures autochtones, les obstacles majeurs entravant leur accès à un financement demeurent un problème urgent à régler. Mme Bull a notamment indiqué que certaines dispositions prévues dans la Loi sur les Indiens rendaient l’accès au crédit extrêmement difficile pour les femmes entrepreneures autochtones. En effet, les entrepreneurs vivant dans des réserves sont souvent dans l’impossibilité d’obtenir un prêt car leurs biens ne peuvent pas être affectés à titre de garanties. « Nous constatons que moins de trente pour cent de l’ensemble des entreprises autochtones contractent des prêts auprès des institutions financières traditionnelles. »
Mme Verkindt a, par ailleurs, fait remarquer que la COVID-19 avait radicalement changé le comportement des consommateurs et incité un nombre sans précédent d’entre eux à faire leurs achats en ligne. Cette évolution des comportements représente un défi pour les entrepreneurs autochtones situés en dehors des centres urbains, qui ne peuvent pas faciliter les ventes en personne en raison de la COVID et qui sont confrontés à un manque d’infrastructures de base fiables et de qualité telles qu’un accès à un service Internet haute vitesse.
Mme Bull a ajouté qu’il fallait tenir compte des normes et des spécificités culturelles de ce type lors de l’élaboration des programmes conçus pour renforcer l’autonomie des différentes femmes entrepreneures. « Nous devons réellement examiner les obstacles singuliers dans une perspective de diversité », a-t-elle expliqué.
Mme Spencer a repris ce point de vue en soulignant l’importance d’associer des voix diverses à la construction d’un avenir post-COVID pour la population canadienne.
« Nous devons nous assurer que nos préoccupations et nos voix sont entendues, et pas seulement tolérées. Tant que les chefs de file ne commenceront pas à prendre réellement au sérieux ce que nous avons à dire, il n’y aura pas de changement durable. À plus long terme, nous avons besoin d’une diversité et d’une représentation accrues au sein du gouvernement », a-t-elle affirmé.
Préparer l’avenir
Il n’existe pas de solutions simples aux problèmes complexes auxquels certaines femmes entrepreneures sont confrontées. Le rapport indique qu’une approche systémique à l’image du modèle écologique critique est nécessaire pour favoriser l’inclusion dans l’écosystème de l’innovation. Un tel modèle éliminerait les obstacles structurels auxquels les femmes entrepreneures se heurtent au Canada, sur le plan sociétal, organisationnel et individuel.
« L’état des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada » met également en évidence les progrès qui sont réalisés au sein de l’écosystème de l’entrepreneuriat féminin. Les activités d’exportation ont, par exemple, doublé dans les PME détenues majoritairement par des femmes, en passant de 5,9 p 100 en 2007 à 10,8 p 100 en 2017. Lors de sa présentation, Mme Cukier a également insisté sur les possibilités offertes aux entrepreneures au Québec, aux entrepreneures immigrantes, aux entrepreneures autochtones, aux entrepreneurs sociaux ainsi qu’aux entrepreneures dans le secteur des technologies, de l’agriculture et des arts.
« Les conclusions de ce rapport montrent des signes importants de progrès et un certain nombre d’axes de croissance et de possibilités de promotion des entreprises dirigées par des femmes au Canada. De nombreuses personnes utilisent, par ailleurs, le rapport comme un guide afin de déterminer sur quoi axer leurs programmes et leurs soutiens », a ajouté Mme Eaton.
Pour en savoir plus
Lisez L’état des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada pour en savoir plus sur nos conclusions et partagez vos réflexions en ligne avec le mot-clic #WEKH.
Vous n’avez pas pu assister au lancement du rapport? Regardez la vidéo à la demande (en anglais uniquement).
Comptez parmi les premières personnes à recevoir nos derniers travaux de recherche en vous inscrivant à notre bulletin d’information.